Publié le 12 juillet 2023
Olivia Dean : “Le studio permet de capturer des émotions brutes, intimes.”
Crédit photo : © Mia Pérou
Interview

Olivia Dean : “Le studio permet de capturer des émotions brutes, intimes.”

A l'occasion de son nouveal album Messy, interview au festival Musilac (Aix-Les-Bains)
Musique
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Interview

Il y a ses premiers albums qui nous séduisent à la première écoute. Où l’on se dit indéniablement que le meilleur est à venir. “Messy”, le premier album studio R&B d’Olivia Dean, ne fait pas exception. Nous avons pu échanger avec la chanteuse britannique, au bord du Lac du Bourget. De quoi mieux cerner les contraintes et joies d’une industrie musicale en constante évolution.

 

Vous chantez depuis 8 ans et sortez des chansons depuis 2018... qu'est-ce qui vous a fait passer de chanteuse à chanteuse professionnelle ?

Je pense avoir toujours su que je voulais faire de la musique. Vers 16 ou 17 ans, j'ai commencé à écrire mes propres chansons et j'ai rencontré mon manager lors d'un spectacle à l'école. Depuis, nous travaillons ensemble. D’une certaine façon, je crois m’être toujours sentie comme une artiste dans l’âme, si cela a du sens. J'ai toujours su exactement ce que je voulais faire : un paquet d’albums.

 

Quel est le moment où vous vous êtes dit "OK, je veux faire ça toute ma vie" ? Un album marquant par exemple ?

Mmmh, j'étais une grande fan de Paul Simon, je le suis toujours. Son album Graceland, son énergie, les cuivres, le mélange des cultures, notamment la musique sud-africaine… C'était vraiment une source d'inspiration pour moi.

Crédit photo : Olivia Dean en concert au festival Musilac, juillet 2023. © TBianchin

Mon Dieu, Beyoncé aussi ! À chaque fois que je la vois, je pleure, je pleure, je pleure (rire). Son niveau de performance est divin. J'aime aussi les artistes indépendants. J'aime aller aux petits concerts, c'est le plus amusant. Oh, il y a cette artiste géniale, Alice Phoebe Lou. Allez la voir. C'est mon artiste préférée en ce moment. Je crois qu'elle vient d'Afrique du Sud, mais elle est basée en Allemagne. C'est une sorte de folk indé psychédélique incroyable… il faut vraiment écouter son nouvel album !

En parlant d’album, votre premier projet studio vient de sortir. Quelle est l'histoire derrière "Messy" ?

Eh bien, en réalité, ce n'est rien de compliqué. Je ne suis pas une personne très abstraite. J'aime les petites choses, les interactions humaines et les histoires. C'est un album qui joue sur le sens du mot "messy" (“désordonné” en français). Je pense qu'il est souvent utilisé de manière négative. Mais j'ai pensé qu'il était amusant d’en prendre le contre-pied, dans une ère où tout le monde prétend être parfait. C'est assez rafraîchissant de se dire : "Ma vie est un chaos et peut-être que la vôtre aussi”. Et c'est ce qui nous rend humains, vous savez, les erreurs et les imperfections. Le parti pris vaut aussi dans la production : je ne voulais pas qu'il soit autotuné et poli. Je voulais qu'il soit humain et vivant. Voilà.

Vous êtes quelqu'un de désordonné dans la vie ?

Oui, oui, oui, tout à fait. (rire) Pour tout vous dire, je déménage en ce moment. Ma vie n’a jamais été autant en désordre. Je pense que nous sommes tous dans le même bateau et un peu perdus, désordonnés.

La musique et l'art…il n'y a pas de règles. Alors j’ai décidé de faire une chanson de bossa nova, une chanson Motown, une chanson avec vocodeur.

Quel a été le principal obstacle rencontré lors de la création de l’album ?

Mmmmh… Je suis extrêmement perfectionniste, ça en devient presque une malédiction. Au début, c'était difficile, je n'arrivais pas à finir quoi que ce soit. Je commençais des choses, mais je ne pouvais rien terminer. La pression sur ses épaules de vouloir que tout soit excellent, est énorme. Puis, je me suis dit : "Tu sais quoi ? Ça n'a pas besoin de correspondre à un genre musical spécifique. La musique et l'art…il n'y a pas de règles. Alors j’ai décidé de faire une chanson de bossa nova, une chanson Motown, une chanson avec vocodeur. Et c’est OK.

 

Pouvez-vous nous parler des difficultés de se produire en tant que nouvelle artiste professionnelle dans l'industrie musicale ? Qui plus est dans une industrie compétitive ?

Crédit photo : © Mia Pérou

Tu oublies très vite la pression. J’adore me produire sur scène. J'ai vraiment l'impression d'écrire pour pouvoir interpréter les chansons, et j'ai toujours aimé chanter pour les gens. Ça me procure tellement de joie. En fait, j’adore les concerts où le public ne me connaît pas. C'est un défi sympa en mode “OK, vous ne connaissez pas ces chansons, mais je vais vous chopper et vous faire tomber amoureux d'elles”. Quant au stress du milieu, tu ne subis que la pression que tu te permets d'exercer sur toi-même. Je vis mon rêve, je fais des concerts, rencontre du monde, je voyage…

Qu'est-ce qui vous plaît tant dans les concerts live ?

En tant que fan, je vais tout le temps à des concerts à Londres. Chaque semaine, je suis à un concert. J'adore le fait que tout le monde ait sa propre vie, ses propres histoires, mais se réunit pendant une heure pour chanter ensemble. C'est l'une des plus belles expériences humaines. Ils partagent des moments de vulnérabilité, se connectent entre eux dans la salle. Et puis, j'aime les musiciens. J'adore mon groupe, j'adore jouer. Plus que tout, j’adore que tout ne se passe pas comme prévu. C’est souvent de là que naissent les meilleurs souvenirs.

 

Une anecdote sur scène ?

Il y a tellement de choses. Une fois, j'étais très nerveuse lors d’un gros concert. Là, j’arrive sur scène pour la première chanson. J'étais excitée et je me suis dit : "Ça va être génial". J'ai dégainé le micro de son support, mais en passant, j'ai arraché les câbles… évidemment, quand j’ai commencé à chanter, aucun son n’est sorti. Les membres de mon groupe criaient : "Le micro, le micro, le micro !!". La honte… (rire). Mais vous savez, c’est la vie. Il faut en rire. On ne peut pas être embarrassé. C'est comme ça. On en déconne encore maintenant.

[...] La musique est, par essence, très intime. C'est des histoires très personnelles. Parfois, tu rencontres des gens qui ont l’impression de sincèrement te connaître. C’est déroutant, parce que moi je ne connais rien d’eux.

Lorsque vous interprétez vos chansons en live, aimez-vous les faire comme en studio ou avez-vous une tout autre approche, quitte à oublier la VO ?

Crédit photo : © Mia Pérou

Oui, le live, c’est le live. Avec mon groupe, on joue beaucoup avec les arrangements. On utilise l'enregistrement studio comme un squelette, puis on ajoute des solos, des fins différentes en fonction de la journée, de notre mood. Je pense que le studio permet de capturer des émotions brutes et intimes. La scène, elle, est plutôt là pour divertir. Je suis plus puissante devant un public parce que l'adrénaline coule dans nos veines, je suis excitée, je saute partout, je crie !

Avez-vous l'impression d'oublier la chanson studio au profit de la version live ?

Non, elle est toujours là, ça reste le point de départ. Mais c’est cool de jouer avec, il y a pas de règles en live… et heureusement. Si on jouait toujours la même chose, à chaque concert, cela serait autant ennuyeux pour nous que pour le public.

Que pensez-vous des foules en liesse, du succès ? Est-ce que ça vous fait peur ?

J'aime jouer pour les gens, donc je suis excitée à l'idée de jouer devant des foules. Mais je pense qu'en dehors de la scène, c'est un peu effrayant. Parce que la musique est, par essence, très intime. C'est des histoires très personnelles. Parfois, tu rencontres des gens qui ont l’impression de sincèrement te connaître. C’est déroutant, parce que moi je ne connais rien d’eux. Mais je ne dirais pas que j'en ai peur. (hésite) Je pense que je m'y habitue.

J'ai parfois l'impression d'être une vieille âme… J'aimerais être dans les années 70 et ne pas avoir à faire toutes ces autres choses

Depuis vos débuts, vous avez cumulé les interviews. Y a-t-il une question que vous souhaitez éviter ?

Bonne question… (hésite) il y a cette demande récurrente sur mes influences musicales. C’est vraiment difficile pour moi de savoir ce qui m'a directement influencé. Déjà, je ne peux pas vraiment entendre ma propre musique comme vous pouvez l'entendre et l'interpréter. Pour moi, c'est comme si je faisais du karaoké. Vous voyez ce que je veux dire ? Comme lorsque vous entendez votre voix lors de l'enregistrement et que vous vous dites : "C’est ça ma voix ?” (rire). Je trouve cette question difficile parfois, mais je la comprends.

 

En tant que jeune artiste de 24 ans, quelle est votre relation avec les réseaux sociaux ? Pour vous, est-ce une condition au “succès” ?

C’est difficile et je pense qu'on peut se retrouver dans une situation périlleuse où l'on se compare beaucoup à ce que font les autres sur les réseaux. Si vous avez constamment des voix dans votre tête qui vous disent : "Mais cette personne fait ça, etc.” Ce n'est pas sain. Et je pense que ça peut diluer votre art. Pourtant… ouais, ça fait partie du jeu. Vous devez faire connaître votre musique, la faire découvrir aux gens. J'ai parfois l'impression d'être une vieille âme… J'aimerais être dans les années 70 et ne pas avoir à faire toutes ces autres choses, parce que je crois vraiment que c'est un tout autre travail. Je pense que je suis douée pour écrire des chansons, les chanter et me produire devant les gens. Et je ne suis pas très douée pour le marketing ou pour me vendre. C'est un tout autre ensemble de compétences qu'il faut malheureusement apprendre. Même si, les réseaux sociaux, ce n'est pas trop mon truc, c’est maintenant nécessaire. Et puis, on ne peut pas aimer toutes les facettes de son travail, j'ai déjà beaucoup de chance d'être là. Alors tout est une question d’équilibre.

Propos recueillis par Mia Pérou

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