Publié le 15 février 2023
Kris Drever : “Je n’envisage pas la musique comme un enchaînement de projets. C'est simplement ma vie”
Crédit photo : © Indra Crittin

Kris Drever : “Je n’envisage pas la musique comme un enchaînement de projets. C'est simplement ma vie”

Concert à Genève : rencontre avec le chanteur folk et musicien écossais
Musique
|
Folk, Interview

Membre du groupe écossais primé de musique traditionnelle Lau, Kris Drever perce aussi en tant qu’artiste solo. Humble référence de la folk, ses albums sont acclamés par la critique, tel que Where the World is Thin sorti en 2020. Producteur, il travaille également sur les albums de Julie Fowlis, Eddi Reader et Jack Bruce. À l’occasion de son concert lors du festival Antigel (Genève), nous avons pu échanger le temps d'une interview. Rencontre. 

La musique acoustique a connu des développements très intéressants depuis le milieu des années 80/90.

Crédit photo : © Kris Drever

Folk, une légère touche d’indie pop - comme avec votre morceau "Hollow Trees"... Comment qualifieriez-vous votre musique?

Je suppose que c'est à peu près ça ! Je crée la musique comme elle me vient à l'esprit. Ma famille joue beaucoup de musique folk et traditionnelle, ça fait partie de moi. C’est difficile de m’en éloigner. Je suppose que c'est un peu mon état musical naturel (rire). Comme j’écoute beaucoup de musique, de style très varié… c’est probablement de là que viennent les éléments plus alternatifs.

Comment votre vision de la musique folk a-t-elle évolué depuis votre premier projet solo "Black Water" en 2006?

(hésitation)... Je n’envisage pas la musique comme un enchaînement de projets. C'est simplement ma vie. Peut-être que les choses changent sans que je m’en rende compte. Je suppose que, d'une certaine manière, la folk n’est pas si différente. Ça a changé dans le sens où la musique acoustique elle-même entre le milieu des années 80/90 et maintenant a connu des développements très intéressants. À mes débuts, quand j’avais la vingtaine, les synthétiseurs et les instruments acoustiques ne s'assemblaient pas bien. Personne ne savait vraiment comment les faire coexister. Ça a beaucoup changé à la fin des années 90, début des années 2000, quand on a commencé à les utiliser pour nos disques. Je suppose que ma production a alors évolué. Après, je pense que c’est dû en partie à ma présence dans le trio Lau, qui est un groupe folklorique expérimental, largement instrumental.

Pendant une décennie, on a utilisé beaucoup d'effets sonores dans nos créations. Nous utilisions tous des instruments acoustiques, mais nous apprenions à les utiliser hors des manuels d'instructions.

Chez nous, je pense que de plus en plus de gens voient les choses à travers une version américaine de la réalité.

Quel a été votre plus grand obstacle avant de pouvoir vivre de la musique ?

J'ai commencé à faire de la musique à la fin de mon adolescence. À un moment, il faut prendre le risque de tout quitter pour en vivre. Comme je l’ai fait très tôt, on va dire que j’avais moins le poids de la responsabilité. Je pense que c'est difficile de gérer son activité musicale comme un business, une mini entreprise. C’est dur parce qu’on ne nous apprend rien à l'école sur la manière d'être travailleur indépendant, peut être que c’est différent chez vous. Disons que l’obstacle est probablement plus pratique qu’artistique.

Après une tournée au Royaume-Uni en 2022, ça fait quoi de revenir jouer en Europe, surtout dans ce lieu atypique qu'est l'église de Presinge ?

Crédit photo : Kris Drever en concert dans l'église de Presinge © Indra Crittin

C'est merveilleux, absolument merveilleux. Je suis européen. Je fais partie des personnes qui n'ont pas voté pour le Brexit (rire). Tu sais, nous avons toujours vu l'Europe comme une inspiration. Car, à bien des égards, le Royaume-Uni est une sorte de capitalisme sous stéroïdes, une société de ce genre. Chez nous, je pense que de plus en plus de gens voient les choses à travers une version américaine de la réalité, qui est assez “sauvage”. En Europe, même si les gouvernements diffèrent, on sent qu’il y a, en quelque sorte, un meilleur civisme.

Est-ce quelque chose que vous ressentez quand vous jouez ici, avec le public ?

Oui, dans une certaine mesure. Ça se ressent aussi dans l’environnement. Puis, c'est agréable de faire découvrir la musique à de nouveaux publics. Mais pour moi, une grande partie de l'attrait et de l'excitation vient simplement d'être ailleurs, dans un lieu différent.

Au Royaume-Uni vous avez, à plusieurs reprises, pu jouer dans des églises. Je suppose que les caractéristiques d’un tel lieu vous obligent à modifier votre set…

Oui, ce n'est pas si rare chez nous. C'est génial. Bon, par contre, certaines choses ne fonctionnent pas très bien dans les églises. Par exemple, les batteries peuvent être très difficiles à gérer car le son est trop libre, trop “nageant”. Mais pour un concert, guitare et voix, c'est idéal. Et dans ce cas, l’édifice devient une sorte de système de sonorisation naturel…

Il est parfois facile de vivre sa vie en pilote automatique.

Quelles sont vos inspirations culturelles lorsque vous composez ?

Disons que c'est toujours différent. J'essaie de beaucoup lire, de regarder des films, d'écouter des disques… de prêter attention à ma vie tout simplement. Il est parfois facile de vivre sa vie en pilote automatique. Mais si tu prêtes attention, il y a toujours des choses intéressantes à découvrir et à étudier. J'aime faire de chaque chanson un projet en soi. Si certaines personnes écrivent des albums, de mon côté, je préfère écrire une chanson à la fois et y mettre tout ce qui m'entoure dedans. Pour moi, l’inspiration n’a pas de cadre ou de lieu particulier : elle est partout.

Crédit photo : © Indra Crittin

Vous avez collaboré avec Rachel Baiman, Julie Fowlis ou encore John McCuske. Qu'aimez-vous tant dans le travail avec d'autres artistes ?

J’aime la performance solo, mais si je ne faisais que ça… j’aurais probablement déjà abandonné. La musique est faite pour être jouée avec d'autres personnes. Pour moi, c’est une activité sociale. La meilleure musique s’est toujours, dans ma vie, faite avec d'autres personnes. Elles ont des idées différentes, font des sons différents, apportent des choses que vous ne pourriez pas apporter vous-même. Des compétences, des idées, des voix. C'est ça la musique pour moi. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que, si l'on remonte à l'aube de l'histoire humaine, ce n'est certainement pas une personne qui jouait solo pendant que les autres s'asseyaient poliment pour écouter. Je pense que tout le monde jouait, tu vois ? C'est ainsi que la musique est devenue populaire parmi les êtres humains.

Vous faites également partie du groupe de musique Lau... Comment parvenez-vous à trouver un équilibre entre travailler avec le groupe et développer vos projets en solo ?

Avec quelques difficultés... (rire) En fait, tout est une question d'agenda. J'ai deux jeunes enfants et je suis souvent débordé. Dans une certaine mesure, je dois forcément laisser de côté certaines envies. Vous savez, s’il y a beaucoup de collaborations et bien c'est un peu comme pour l'écriture des chansons : un projet à la fois. Je fais la chose qui se présente devant moi, en essayant de ne pas penser aux prochaines étapes. Chaque chose en son temps !

Je pense que la jeune génération et moi sommes probablement assez d'accord sur de nombreux sujets politiques.

Laquelle de vos chansons feriez-vous écouter à un jeune adulte qui ne vous connaît pas, et pourquoi ?

Bonne question… (hésitation) cela dépend de son niveau d'anglais. Peut-être quelque chose d'universel, comme "Ghosts". Bien que cette chanson ait un message politique, je pense que la jeune génération et moi sommes probablement assez d'accord sur de nombreux sujets politiques. Mais pour quelqu'un qui ne parle pas anglais, c'est un peu plus difficile, car les paroles ont une part importante dans ma musique. Justement, j'aimerais bien demander à des personnes qui ne parlent pas anglais la chanson qu’ils préfèrent…

Sinon, peut-être, lui conseiller "Scapa Flow 1919". Je pense que ses sonorités font écho à mes racines.

Pouvez-vous citer une chanson que vous adorez, mais qui ne fonctionne pas en live.

Oh, ça, c'est difficile. J'essaie toujours de m'assurer que je peux faire une version live de toutes mes chansons. Je suppose que ce serait un des enregistrements de Lau. Certaines sont plus difficiles à reproduire en live. Disons "Patrick Spence". Sans le groupe, elle ne fonctionne pas vraiment. En solo, c'est trop long et un peu répétitif pour le public.

En dehors de votre tournée en Angleterre en mai et juin, quel est votre prochain projet ?

Ma maison de disques sort une rétrospective. Pour éviter la simple compilation d'anciennes musiques, je suis en train d'en écrire de nouvelles pour accompagner la réédition. À côté de ça, j’enregistre un concert solo en live. Comme j'écris beaucoup en ce moment, j'espère avoir assez de matière pour sortir un nouvel album. Qui sait, peut-être le sortir avant la fin de l'année.

Les articles associés

Voir plus
Vous voulez des cookies ?

Ce site utilise des cookies pour garantir la meilleure expérience de navigation.

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies tiers destinés à vous proposer des vidéos, des boutons de partage, des remontées de contenus de plateformes sociales

Paramétrage de mes cookies

Au-delà des cookies de fonctionnement qui permettent de garantir les fonctionnalités importantes du site, vous pouvez activer ou désactiver la catégorie de cookies suivante. Ces réglages ne seront valables que sur le navigateur que vous utilisez actuellement.
1. Statistiques
Ces cookies permettent d'établir des statistiques de fréquentation de notre site. Les désactiver nous empêche de suivre et d'améliorer la qualité de nos services.
2. Personnalisation
Ces cookies permettent d'analyser votre navigation sur le site pour personnaliser nos offres et services sur notre site ou via des messages que nous vous envoyons.