Graphiste de formation, nourri à la culture punk et hip-hop, Gaëtan Heuzé cultive depuis toujours un goût pour l’image sous toutes ses formes. Photographie, dessin, animation, infographie : il explore les supports avec une liberté de ton et un style bien à lui – drôle, sensible, tout en courbes et en couleurs pop. Depuis 2007, il travaille en freelance pour des grandes marques, des groupes de musique et des titres de presse, construisant un univers reconnaissable entre mille, à mi-chemin entre le skateur des années 90 et le poète visuel du web. Rencontre.
Bonjour Gaëtan, peux-tu te présenter ?
Bonjour, je suis illustrateur et designer freelance basé sur Paris. Je suis né en Bretagne près de Rennes. J’adore jouer du punk-rock avec mes amis et je vais sûrement m’acheter un canoë prochainement. Aucun rapport, je sais.


Gaëtan, première question pour te situer dans l’espace-temps : tu te souviens de la toute première image ou animation qui t’a donné envie de créer ?
Quand j’étais gamin on voyait les premiers graffs New- yorkais à la TV et je trouvais ça super cool donc comme beaucoup d’autres enfants j’essayais de les reproduire (mal) sur ma trousse. Mais la vraie claque était bien plus tard, ado, quand je regardais les couvertures d’album de groupes de metal comme Iron Maiden ou Metallica. Les têtes de morts c’est trop cool à dessiner !
Ton univers navigue entre le punk-rock, le hip-hop, le skate... Tu peux nous raconter comment ces trois mondes influencent ta manière de dessiner ou d’animer?
M’autoriser à me dire que moi aussi je pouvais être un illustrateur ou un « artiste » à été un très long processus. Je viens d’une famille rurale modeste et personne ne m’a montré le chemin. Mais suite à plusieurs évènements marquants à un certain moment de ma vie j’ai décidé de reprendre mes études dans les arts graphiques et de m’émanciper. C’est là que j’ai découvert le documentaire Beautiful Losers et tous ces artistes issus du punk, du hip hop et du skate. Le punk rock à été une révélation pour moi : on peut faire tout ce que l’on veut comme on le veut sans être forcément jugé par une élite. Le punk à cette époque était très relié au skateboard et même si je ne skate pas, les graphismes sur les planches m’ont toujours fait kiffer.

Graphisme, animation, photo, illustration... Tu bosses sur différents médiums et différentes marques. Quand tu reçois un brief, par quoi tu commences ? Tu fonctionnes à l’instinct ou tout est storyboardé dans ta tête ?
Ça dépend, j’ai envie de tout faire et de tout essayer ! Je fais même de la dorure sur verre ces derniers temps. Si c’est un brief d’un client ou d’une marque, j’essaie si possible de trouver une idée drôle. Les idées peuvent venir n’importe où : en me brossant les dents ou en regardant un chien dans la rue.... Dans tous les cas je fais de tous petits croquis, si ça marche en petit c’est que ça fonctionnera en grand.
Depuis 2007, tu travailles en freelance pour des gros clients, des musiciens, la presse... Quelle collaboration t’a le plus marqué juqu’ici et pourquoi ?
La réalisation du graphisme d’un skate pour le groupe français Burning Heads. Ils ont changé de line-up depuis mais à l’époque j’étais ultra fan depuis mes 16 ans. Je leur avais proposé mes services puis un jour ils m’ont demandé de bosser pour eux. Ce n’est pas de faire un dessin qui se retrouve sur un skate qui m’a marqué mais le fait de me dire que tout est possible. Quand on est fan de quelque chose, que l’on a une passion, tout peut arriver. Je n’ai même pas été payé pour ce job mais le skate est toujours dans ma chambre aujourd’hui...
Tu cites souvent l’humour comme ingrédient central de ton travail. Est-ce que faire rire, c’est aussi une manière de toucher plus juste, plus profond ?
Complètement. Nous sommes confrontés à des milliers d’images et de messages tous les jours. Faire réfléchir, rire romp avec ce processus de gavage sans saveur.

On sent une vibe très DIY dans tes créations. Est-ce que tu t’imagines encore dans la logique d’un fanzine ou tu tends aujourd’hui vers autre chose ?
Toute cette esthétique m’a tellement marqué que c’est un peu devenu une marque de fabrique, je n’ai pas à me forcer cela vient tout seul.

Ton univers est très « pop », très coloré. Est-ce que c’est un parti-pris graphique ou une manière de lutter contre la grisaille du quotidien ?
Les deux. On m’a fait remarqué que je dessinais rarement des fonds sur mes images. Je pense que ces couleurs et ce besoin d’aller directement à l’essentiel viennent de mon activité de designer graphique. Simple, efficace et impactant, c’est ce que l’on demande à une identité visuelle ou à un logo. Pourquoi ne pas l’appliquer à une illustration ?
Tu rêves de collaborer avec Evan Hecox, Phil Frost et Ferris Plock... Si tu devais te vendre ou leur pitcher un projet à chacun, tu dirais quoi ?
« Montre moi comment tu fais ». La liste est longue mais avoir des influences c’est avoir 50% du chemin de fait. Leurs travaux m’inspirent et me donne envie de me lever le matin pour les imiter. Je leur dois tout.
Dernière question : si on devait résumer ton univers visuel en une punchline, ce serait laquelle ?
« Go bold or go home » cette expression est souvent utilisée par les américains pour inciter à faire quelque chose d’audacieux, d’extravagant ou d’ambitieux. C’est aussi une expression reprise par les tatoueurs « old school » et comme j’adore le tattoo américain c’est encore mieux.
Propos recueillis par Carole Cailloux.