Au fil des années, Mademoiselle Caroline n'a cessé de nous bouleverser plaçant les émotions et l'être humain au centre de son oeuvre. Qu'elle raconte ses histoires ou celles des autres, elle sait toucher en plein cœur. C'est d'autant plus le cas avec ce nouvel album, écrit par Sophie Adriansen, dont le sujet particulièrement tabou fait couler l'encre.
Dans Chère Maman, les autrices ne nous épargnent pas. Main dans la main avec Alix, le personnage principal, maman de trois enfants, vous allez expérimenter le malaise, la maladie puis la résilience. Cette trentenaire pimpante et maman de trois enfants mène une vie bien ordonnée. Mais elle est perturbée par la figure omniprésente et tenace de sa mère, Anne-Catherine. Un prénom bien sérieux à l'image d'une maman toxique qui ne cesse depuis toujours de la rabaisser, de la critiquer. Médire la chair de sa chair, c'est ce qu'elle préfère. Pas de répit pour l'héroïne qui souffre en silence, rongeant son frein face à cette incompréhensible détestation et cet acharnement. L'impitoyable Anne-Catherine a toujours à redire, s'en rend-elle seulement compte ?
Quand Alix découvre à 38 ans être atteinte d'un cancer à la thyroïde, elle n'en récolte pas une once de tendresse pour autant. Heureusement autour d'elle, un soutien sans faille s'organise.
À travers ce roman graphique, le duo explore avec finesse et sensibilité la complexité des relations familiales et la notion de toxicité maternelle. Ne vous attendez pas pour autant à être épargnés car même la beauté du dessin ne suffit pas à faire passer la pilule.
On rugit face à l'attitude de cette mère injuste, dont la perniciosité a peu de limites. Toute notre affection se dirige vers Alix que l'on a envie de serrer dans nos bras en guise de consolation.
Les autrices, l'une par ses mots et l'autre par ses illustrations ont donné vie à un récit extrêmement émouvant et fort. Mademoiselle Caroline dont la palette graphique ne cesse de se bonifier, offre un écrin de beauté à cette jeune femme qui le mérite bien. Les couleurs impactantes et les postures des personnages sont formidablement expressives. Et toujours, quelque part, cette silhouette noire de la mère qui surgit, menaçante à souhait. Une trouvaille graphique maligne et angoissante au possible.
Les émotions, multiples, sont au cœur de cet album d'une grande franchise et parfaitement exécuté.
Le tout prend la forme d'une très belle histoire de résilience et de guérison. Le chemin sera néanmoins long et les traumatismes ne s'envoleront pas par miracle. Mais, solidaires, les autrices offrent à Alix une jolie porte de sortie dans laquelle l'espoir prend forme.
Gaëlle Coustier