Jafar Panahi, figure majeure du cinéma iranien, retrouve enfin la scène internationale. Après sept mois d’incarcération et des années d’assignation à Téhéran, il franchit à nouveau les frontières. Au Festival de Cannes 2025, la salle s’assombrit dans un silence chargé de tension. L’écran s’illumine et le nouveau long-métrage de Panahi captive le public. À l’issue de la projection, l’attente se mue en triomphe : Un simple accident décroche la Palme d’or. Le film est sorti en salles le 1er octobre 2025.
Un fait banal, une charge explosive
Le titre peut laisser croire à une péripétie insignifiante. Mais chez Panahi, un événement en apparence anodin devient un séisme moral. Tout commence sur une route déserte : un couple, leur fille et un chien renversé. La voiture tombe en panne, le père se réfugie dans un garage. Le propriétaire, Vahid, croit reconnaître en lui un ancien tortionnaire du régime. Est-il vraiment celui qui l’a mutilé des années plus tôt ? Ce doute ravive les cicatrices. Ce qui aurait dû rester un contretemps dérisoire déclenche une spirale où la mémoire, la vengeance et la quête de justice s’entrechoquent…
Un road trip intérieur dans les plaies de l’Iran
Un simple accident est un voyage à la fois physique et intime. Les personnages avancent au bord de l’abîme : peut-on punir sans certitude ? Et qu’apporte une vengeance lorsqu’elle se fonde sur une mémoire incertaine ? Panahi filme ce dilemme comme un road-movie tendu, quasi silencieux. Pas de musique, pas d’effets spéciaux : l’économie de moyens met en relief les émotions brutes. Les regards, les silences, les hésitations deviennent autant de coups de tonnerre. La caméra observe sans juger, laissant le spectateur dans une sorte de malaise, pris à témoin.
Une justice floue, une mémoire fissurée
Au cœur du récit, l’ambiguïté. Vahid se trompe-t-il ? Et si l’homme retenu n’était qu’un innocent ? Autour de lui, d’autres victimes s’agrègent, chacune portant une blessure différente de la répression. Certains réclament vengeance, d’autres la prudence, d’autres encore l’oubli. Panahi refuse la violence frontale. Les traumatismes s’expriment à travers les dialogues, les non-dits, les failles des personnages. La dernière séquence, sobre et bouleversante, offre une révélation muette qui cristallise toute l’ambiguïté morale du film.
Un cinéma de résistance
Avec Un simple accident, Panahi poursuit son geste de résistance. Censuré, emprisonné, surveillé, il continue de filmer les cicatrices de son pays avec une constance admirable. Plus feutré que ses œuvres précédentes, ce film frappe par sa maturité narrative. Ici, pas de démonstration rageuse, mais une lucidité d’une intensité contenue.
Un retour puissant à Cannes
Un simple accident s’est donc imposé comme l’une des œuvres marquantes de cette année à Cannes. Sa sobriété et son rythme contemplatif ont dérangé mais son intensité morale reste inoubliable. C’est un film qui ne crie pas, mais qui résonne. À l’heure où la justice se brouille et la vérité se fragilise, Panahi interroge : la mémoire suffit-elle à guérir les blessures du passé ?
À retenir
Un drame politique épuré, entre thriller et parabole morale.
Une réflexion incisive sur la vengeance, la justice et la mémoire collective.
Une mise en scène minimaliste, d’une précision redoutable.
Jafar Panahi, plus libre que jamais malgré la censure.
Sortie en salles le 1er octobre 2025.
