« Un couteau dans le cœur », le deuxième film du réalisateur français Yann Gonzalez, a rejoint la compétition officielle du 71e Festival de Cannes. Le film place Vanessa Paradis en proie au chagrin d’amour, dans la peau d’une productrice de pornos gays menacée par différents meurtres dans un Paris fantasmagorique des années 70.
« Un Couteau dans le Cœur » pose le ton dès son ouverture. On y découvre Anne, une quarantenaire surgissant de nulle part, interprétée par Vanessa Paradis en larmes, se réfugiant dans une cabine téléphonique pour supplier à travers le combiné Loïs, son ex compagne, de la reprendre après qu’elle l’ait quittée. Quelques instants plus tard, un jeune acteur gay est sauvagement assassiné à coups de couteau. Ambiance, glauque à souhait.
Anne se retrouve alors mêlée à une étrange enquête. Pour interpréter le premier rôle, le réalisateur a choisi Vanessa Paradis, que l’on est peu habitué à voir dans les thrillers sombres. Plutôt abonnée aux comédies romantiques, elle adopte un registre plus noir depuis quelques années, avec son rôle dans « Chien », le film subversif de Samuel Benchetrit. « Ce scénario merveilleusement écrit qui raconte une histoire que je n’ai jamais lue nulle part, et qui me propose un rôle de folie, comment aurais-je pu passer à côté ? Moi qui ai toujours rêvé de rôles de composition, d’expérimenter des personnages excessifs. En refermant « Un Couteau dans le cœur », j’étais très excitée à l’idée qu’on m’offre un rôle pareil, raconte l’actrice.
À ses côtés, on retrouve Kate Moran (Loïs), ainsi que Nicolas Maury (Archibald). Il s’agit du deuxième long-métrage de Yann Gonzalez, après « Les Rencontres d’après minuit », en 2013. Pour la musique, le réalisateur a fait appel au talentueux groupe M83 dont fait partie son frère, Anthony Gonzalez.
Le film est librement inspiré de la vie de la productrice de films X Anne-Marie Tensi et de sa monteuse et compagne Loïs Koenigswerther. « Grâce au Dictionnaire de la pornographie écrit par Christophe Bier, j’ai entendu parler de cette productrice française de porno gay des années 70, tempétueuse, alcoolique, homosexuelle, amoureuse de sa monteuse… Elle était réputée pour être dure, imprévisible, faisant passer des castings humiliants à ses acteurs, bref une figure haute en couleurs. J’avais envie de sortir de la douceur un peu ouatée de mon premier film et d’aller vers quelque chose de plus urbain, plus électrique. Il m’a semblé que ce personnage pouvait être le bon vecteur », explique le réalisateur. « J’ai mené une enquête auprès de ceux qui l’avaient côtoyée. J’ai récolté une matière documentaire conséquente, mais quelque chose d’un peu glauque s’en dégageait. Je n’avais pas envie d’aller dans cette direction, je souhaitais en sortir quelque chose de flamboyant, de romantique. J’ai donc décidé de la réinventer et d’en faire un pur personnage de fiction tout en conservant cette histoire d’amour ainsi que la moitié de son prénom, comme un hommage spirituel à cette héroïne underground »
Jeux de caméra stylisés, lumières fluorescentes et crépusculaires, musique envoûtante, direction remarquable de Vanessa Paradis et de toute la troupe d’acteurs incarnant de jeunes comédiens gays, aux discours boursouflés, Yann Gonzalez s’est offert les moyens « physiques » de répondre à ses idées folles et son ambition. On ne peut qu’applaudir la démarche car ce film, malgré son sujet noir, parvient à imposer un romantisme, une sensualité, et une esthétique presque surréaliste.
« Un couteau dans le coeur » sort en salles le 27 juin prochain.
Romain Fournier