Publié le 7 juin 2024
THE WOOHOO : la version longue de l'interview du créateur de Titeuf à l’affiche du festival Musiques en Stock
Crédit photo : ZEP
Interview

THE WOOHOO : la version longue de l'interview du créateur de Titeuf à l’affiche du festival Musiques en Stock

le duo électrique formé par ZEP et sa compagne Valérie Martinez
Musique
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Folk, Soul, Concert

A l’occasion du festival Musiques en Stock qui aura lieu du 30 juin au 2 juillet, le célèbre dessinateur ZEP qui est aussi le réalisateur de l’affiche de l’évènement cette année se produira sur scène avec sa compagne Valérie Martinez, pour interpréter les musiques de leur album “Automatic Songs”. Un répertoire de chansons aux sonorités pop folk qui allient la douceur de la soul et les émotions du rock des années 1980. Après une mise en jambes dans la version papier du magazine, retrouvez la version longue de l’interview.

C’est quoi “The Woohoo”, en quelques mots?”

The Woohoo c’est un mélange de plein de genres. ZEP est plutôt soul, Valérie est plutôt rock, alors notre terrain de rencontre c’est la folk. On est un “duo de cinq” en fait, on enregistre à deux mais sur scène, il y a trois autres musiciens qui jouent avec nous, comme ça sera le cas à Musiques en Stock.

Comment le groupe “The Woohoo” est-il né?

Valérie : On s’est rencontrés sur un malentendu sur Facebook. Il m’avait demandé comme amie par erreur et moi j’étais justement en train de créer une bande dessinée dans une association. J’ai confondu son nom “Philippe Chappuis” avec le dessinateur “Chappat", en pensant que  c’était lui qui nous envoyait un dessin. On a commencé à discuter, on s’est rencontré pour un thé, j’ai découvert qu’il faisait de la musique et lui savait déjà que je chantais. On a alors lancé l’idée d’essayer de faire un morceau ensemble et c’est venu comme ça. Au fur et à mesure de nos rencontres, on improvisait sur la guitare et les morceaux venaient à nous.”

Je sais que je veux être chanteuse depuis l’âge de trois ou quatre ans 

Est-ce qu’à la base, le rêve était de faire du rock comme dans les années 1980 ?

ZEP : J’ai commencé dans les années 1980, donc je voulais faire la musique de mon époque *rires*, même plutôt des années 1970. J’ai beaucoup joué dans des groupes de rock et même de hard rock, puisqu’on ne disait pas encore “métal”, puis ensuite dans des groupes de folk, de soul, toutes sortes de projets. Ce que j’aimais dans la musique contrairement à la bande dessinée, c’est que c’était justement collectif, donc on se rassemblait autour d’un projet qui n’était pas forcément le mien mais ça me plaisait d’avoir cette contrainte.

Valérie, pourquoi avoir choisi de chanter en anglais?

Je sais que je veux être chanteuse depuis l’âge de trois ou quatre ans et à l’époque je chantais en yaourt, je reprenais les morceaux de Whitney Houston, de Prince et je ne comprenais absolument pas ce que je disais. J’ai principalement écouté de la musique en anglais quand j’étais petite, ma mère écoutait à longueur de journée tous les morceaux de la Motown, Marvin Gaye, Otis Redding, donc c’est vraiment ma culture musicale. J’ai essayé de chanter en français mais je trouve que c’est beaucoup plus difficile d’écrire des paroles qui “swing”, qui “groove” en français et ça devient presque trop intime. Sur le style de musique que l’on fait ça ne me paraît pas du tout naturel.

ZEP, qu’est-ce qui t’inspire chez Led Zeppelin, l’artiste dont tu tiens ton nom ?

Je m’appelle ZEP en référence à cet artiste, mais ça date de quand j’avais 12 ans, donc ce n’est plus forcément mon groupe de chevet, même si je les aime encore beaucoup. Par contre à chaque fois que c’est possible, j’essaye d’aller voir Robert Plant en concert, on est d’ailleurs allé le voir avec Valérie il y a deux ans. Led Zeppelin, c’est un artiste que l’on aime tous les deux *rires* et ça nous arrive même parfois de jouer ses morceaux sur scène dans une version un peu plus folk.

Crédit photo : Claude Bussez

Quelle a été votre réaction, quand vous avez appris que vous alliez être publiés dans Rolling Stone ?

Valérie : C’est génial ! C'est LE magazine qu’on lit depuis toujours, puis d’un coup on se retrouve dedans, on se dit “IH !” *rires*

ZEP : Ouais, c’était cool ! En fait, quand on a commencé le projet, on est allé enregistrer l'album un peu partout, dans plusieurs endroits, et j’ai commencé à dessiner pour raconter l’histoire de l'enregistrement. C’est mon fonctionnement naturel de remplir des carnets sur ce qu’il m’arrive. On publiait ça sur notre page instagram, puis on s’est dit que ça serait bien de le partager de manière plus large, donc on l’a proposé à Rolling Stone et ils ont bien voulu le mettre sur le site. Au final on s’est retrouvé dans ce magazine aux côtés de gens qu’on admire beaucoup et c’est vraiment cool.

Est-ce que vos passions du dessin et de la photographie influencent votre musique ?

Valérie : Non, moi je fais de la musique depuis toujours. La photographie est plutôt une deuxième passion qui s’est rajoutée, avec tout ce qui est visuel. Mon rêve absolu, c’est de faire de la musique de films, ce que je suis plus ou moins en train de faire maintenant, donc le lien avec l’image est assez important.

ZEP : Moi je fais de la musique depuis très longtemps, je joue dans des groupes depuis que j’ai 12 ans et ça a toujours été mon activité parallèle, comme pour beaucoup d’auteurs de BD d’ailleurs. C’est très agréable de s’étendre sur une activité collective alors qu’on a un métier très solitaire. j’ai participé à beaucoup de projets musicaux de toutes sortes, mais là c’est la première fois qu’un projet musical prend presque plus de place que la bande dessinée. *rires*

ZEP, quelle est la différence principale entre la réalisation des pochettes CD et des pochettes vinyles?

C’est tellement cool qu’il y ait de nouveau des vinyles ! J’ai commencé dans les années 1980 et j’ai réalisé plein de mini pochettes de CD. Je trouvais ça tellement frustrant, ces pochettes glissées dans des boîtiers en plastique à travers lesquels on ne voyait pas très bien! Des fois c’était de mauvaise qualité, les couleurs étaient détruites par cette vitrine devant. Quand on est de nouveau revenu au vinyle c’était génial, donc on s’est fait plaisir, on voulait en faire un pour avoir l’objet physique, que l’on a fait imprimer en sérigraphie, en rouge, en noir…. De toute façon, l’objet physique est anecdotique aujourd’hui, plein de gens achètent un vinyle et disent “mais je n’ai plus de platine, en fait!”. On l’achète surtout parce que c’est beau.”

Est-ce que ça veut dire qu’on est devenu “ça” mais qu’on n’est plus “l’autre”, est-ce que parce qu’on fait de la musique on ne va plus faire du dessin?

Valérie, qu’est-ce que ça t’as fait de chanter dans les studios de The Roots, Lenny Kravitz à 27 ans, et de presque signer avec Sony Music? 

Je n’ai pas travaillé directement avec ces artistes, mais c’était quand même les musiciens qui les accompagnaient, qui étaient du même niveau. C’était fantastique de pouvoir collaborer avec ces gens, et en même temps quand je suis rentrée de Philadelphie jusqu’à Genève après l’enregistrement du premier album j’ai pleuré parce que ce n’était plus du tout moi, j’étais tellement impressionnée de travailler avec ces personnes. J’étais partie avec mes petits morceaux de guitare et voix authentiques et je revenais avec des productions pour lesquelles je n’avais pas osé dire un mot, parce que je ne me sentais pas légitime d’être là. Ça m’a appris que je préfère finalement réaliser mes propres chansons à un plus petit niveau, plutôt que de faire des morceaux dans lesquels je ne me reconnais plus du tout. Ça reste quand même une superbe expérience.

ZEP, pourquoi changer de style et passer au dessin réaliste, puis à la musique?

J’ai toujours fait de la musique, du dessin réaliste aussi. Je remplissais des carnets d’observation, je dessinais les gens autour de moi, les décors, la ville, la nature… Le style réaliste est arrivé quand j’avais quarante ans, c’était peut-être ma crise de la quarantaine. Je pense que j’avais envie de raconter des histoires un peu plus “graves”, plus dures, plus pesantes, et je ne pouvais pas le faire dans Titeuf. Il y avait toujours une pirouette pour que ce soit humoristique, alors que là, c’était sans faire le clown. Ça a été un choix assez long à faire et il a fallu oser sauter le pas. C’était comme passer dans le camp adverse, je rejoignais les dessinateurs “pas rigolos”. Un peu comme le choix de faire de la musique “publiquement”, c’est le fait de dire que l’on n’est pas qu’une personne avec une seule vie, on a aussi des identités multiples et on peut les assumer dans une carrière artistique, ce qui est souvent compliqué. Est-ce que ça veut dire qu’on est devenu “ça” mais qu’on n’est plus “l’autre”, est-ce que parce qu’on fait de la BD réaliste on ne peut plus faire de la BD humoristique, est-ce que parce qu’on fait de la musique on ne va plus faire du dessin? Alors que non, on peut tout faire ensemble, mais c’est vrai que c’est toujours compliqué parce qu’on aime bien cataloguer les gens. Le fait d’avoir plusieurs casquettes c’est un inconfort, pourtant c’est génial parce que ça permet d’explorer toutes les possibilités qui existent.

Comment trouves-tu l’inspiration pour créer les histoires de Titeuf, alors qu’elles se déroulent dans la tête d’un pré-ado ?

Je pense que j’ai gardé une partie de moi-même dans la pré-adolescence, et elle s’est ré-activée au moment où j’ai créé ce projet. Je faisais de la BD depuis longtemps, mais je n’avais jamais dessiné les aventures d’un personnage enfant. Quand j’avais environ 20 ans, je vivais dans un atelier qui donnait sur une cour d’école, et le fait de voir les enfants jouer a soudain rouvert une porte dans l’enfance. J’ai commencé à écrire plusieurs choses qui me semblaient plus réalistes que ce que j’avais l’habitude de lire dans les autres BD avec des personnages enfantins. Au départ, je pensais que Titeuf n’allait être qu’une parenthèse, un bref retour dans l’enfance, mais voilà, ça fait 30 ans et j’ai toujours plaisir à me mettre dans la peau de ce personnage, et des fois j’ai même un peu de mal à en sortir. *rires*

Crédit photo : Laurent Guiraud

Est-ce que tu as un tome préféré? 

C’est toujours le dernier que je préfère, parce que c’est toujours celui qui est le plus proche de moi. Sinon j’avoue que j’ai un petit faible pour le tome 9, La loi du préau, parce que c’est ma couverture préférée. Elle boucle quelque chose, elle rend un peu hommage à Lucky Luke, qui est le personnage qui m’a donné envie de faire de la BD quand j’étais tout petit. 

Et une collab préférée ?

Ma collab avec Tébo est celle qui a été la plus prolongée, parce qu’on a fait beaucoup de projets ensemble et je le vois un peu comme mon petit frère. Il a rejoint l’équipe du magazine Tchô ! au tout début, puis on a fait Captain Biceps et beaucoup d’autres… Autrement, j’avoue que je suis plutôt solitaire. J’aime bien les collab pendant le temps qu’elles durent, puis je suis content de retrouver mon indépendance, mais je les aime toutes. Que ce soit avec Vince, Bertail, Stan, Chauzy, j’ai adoré, parce qu’être dessiné par quelqu’un d’autre, pour un dessinateur c’est génial !

Est-ce que Titeuf restera pour toujours ton personnage phare?

En tout cas, c'est le seul qui m’accompagne depuis longtemps. Le reste, ce sont toujours des projets ponctuels, des one-shots, parfois des séries en deux ou trois albums. Je ne pensais pas que Titeuf serait une série, mais au final c’en est une depuis trente ans. Je me vois mal arrêter Titeuf un jour. J’ai la liberté de pouvoir arrêter de faire des albums pendant plusieurs années, donc il peut y avoir des pauses, mais je pense que j’aurai toujours envie de le retrouver. C’est assez fou d’avoir un rendez-vous ponctuel avec les lecteurs qui vieillissent avec nous, autour d’un personnage qui lui ne vieillit pas. Je pense que oui, je le dessinerai toute ma vie…

propos recueillis par Lilou Wattier

Programmés au festival Musiques en Stock le samedi 6 juillet

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