Publié le 15 avril 2022
Seb Toussaint
Crédit photo : © Seb Toussaint

Seb Toussaint

Colore le monde
Art
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Graffiti, Portfolio

Seb Toussaint parcourt la planète pour apporter, par son art, une touche d’espoir et de couleur aux habitants de zones défavorisées du monde. Cet artiste au cœur en or nous fait l’honneur d’être en couverture de ce nouveau MokaMag.

Artiste franco-britannique de 35 ans, Seb Toussaint est originaire de Normandie. En 2013, après un tour du monde en vélo, il lance un projet qu’il anime toujours aujourd’hui baptisé « Share The Word Project ». Cette mission se déroule dans des bidonvilles et camps de réfugiés où Seb Toussaint peint sur les habitations, des mots choisis par les habitants eux-mêmes. Il souhaite attirer l’attention sur des populations marginalisées, au travers de leurs propres mots. 

Rencontre.

Peux-tu te présenter en quelques mots ? 
Je m’appelle Seb Toussaint, j’ai 33 ans et je suis à la fois Normand et Britannique. Je suis né à Caen mais j’ai grandi avec 2 cultures, 2 langues et 2 nationalités. On dit que je suis un street-artiste.

Crédit photo : Paix © Seb Toussaint

Quel est ton parcours ? 
J’ai toujours aimé peindre et créer et je me souviens encore des dessins que je faisais à 3 ou 4 ans. 
À l’adolescence j’ai commencé à créer avec les supporters du club de football local à Caen. J’ai dessiné des t-shirts, écharpes, drapeaux, banderoles… Les tribunes de football sont des milieux extrêmement créatifs ! C’est aussi à cette époque que j’ai commencé à peindre avec des bombes aérosol, d’abord dans le contexte du football, puis en voyageant. Avec mes 2 meilleurs amis, on a beaucoup voyagé à vélo, d’abord en Europe, puis en faisant un tour du monde qui a duré 1 an. Humainement et artistiquement ces expériences m’ont énormément apporté. Je n’ai jamais mis les pieds dans une école d’art, mon apprentissage s’est fait à grâce au football et en peignant dans les rues.

Quels sont les artistes qui t’inspirent (toutes catégories confondues) ?
Mes sources d’inspirations sont larges, et souvent je ne sais même pas d’où elles viennent. Ça peut être un sachet de graines ou des tissus portés par les femmes en Afrique ou en Inde. J’arrête souvent des gens dans la rue pour prendre en photo un détail sur leur vêtement. J’adore les designs des sacs en plastique que les gens utilisent sur les marchés. Au Cameroun ils utilisent des sacs de polypropylène tissés, très colorés et sur lesquels sont imprimés des logos à l’encre noire, bleue ou rouge. Les impressions sont souvent imparfaites ce qui donne encore plus de charme. Bien sûr, là aussi, j’ai rapporté quelques beaux échantillons dans mes bagages !

Peux-tu nous parler de ton projet Share the word project, et comment tu as eu cette idée ?
Share The Word Project est un projet que j’ai commencé en 2013. Il se déroule sur le long terme par épisodes d’un mois à chaque fois. Le principe est simple : je pars dans des bidonvilles ou dans des camps de réfugiés et je peins sur les murs des habitations, des mots qui ont été choisis par les habitants eux-mêmes. Sur chaque fresque il y a un mot, et derrière chaque mot se cache l’histoire d’une personne, ou un message personnel. C’est ça qui m’intéresse ! Le but du projet n’est pas juste d’apporter une touche colorée dans des lieux souvent dépourvus de street art, le but est de mettre un lumière les paroles de populations marginalisées et peu écoutées. L’idée est née durant mon tour du monde à vélo. À Sucre en Bolivie, j’ai eu l’opportunité de peindre dans un quartier défavorisé en périphérie de la ville. Les habitants m’ont très bien reçu et m’ont laissé libre de peindre leurs maisons. Cette expérience m’a donné l’idée de lancer « Share The Word Project ». Un an après être rentré de ce tour du monde à vélo, mon ami et photographe Spag partons pour le premier épisode de Share The Word Project dans un bidonville de Jakarta en Indonésie (projet auto-financé sans sponsors pour garder une totale liberté).

Crédit photo : Future © Seb Toussaint

Indonésie, Kenya, Népal, Egypte, Colombie, Philippines, Ethiopie, Brésil, Inde, France, Niger, Irak… Au total, tu as parcouru une vingtaine de pays avec le projet. Est-ce que certains mots reviennent souvent ?
À ce jour j’ai peint 214 fresques (contenant chacune 1 mot) sur des murs de bidonvilles ou de camps de réfugiés. Sans trop de surprise les mots « Paix » suivi de « amour » et « liberté » sont ceux qui ont été choisi le plus. Il y a indéniablement quelque chose d’universel dans ces mots, même si les histoires attachées à ces mots peuvent être très différentes. Mais on me donne aussi des mots qui sont très liés à certaines cultures, religions ou à un élément géographique important pour la communauté. Par exemple, il m’est arrivé plusieurs fois de peindre le nom de la rivière qui passe par le quartier, et dans lesquels les gens se lavent, pêchent ou pratiquent des rites traditionnels.

Actuellement, tu dois forcément penser aux réfugiés ukrainiens… Quel message souhaites-tu faire passer à travers tes œuvres ? Que veux-tu montrer ?
Il y a pour l’instant 214 messages différents dans « Share The Word Project » qui correspondent aux 214 mots qui ont été choisis par les habitants puis peints sur leurs murs. 
Et si on doit devait retenir un seul grand message de tout ce projet, c’est bien d’écouter les gens que les sociétés marginalisent. Ils ont beaucoup à nous enseigner. J’ai travaillé avec de nombreuses victimes de conflits, dans des camps de réfugiés en Irak, en Ouganda, en Palestine, en France (à la Jungle de Calais), mais aussi dans de nombreux pays où des victimes de guerres ont trouvé refuge dans des bidonvilles. Depuis tout petit c’est un sujet qui me touche beaucoup, sûrement parce que j’ai grandi en Normandie et que ma grand- mère et sa sœur m’ont beaucoup raconté l’occupation nazie et les bombardements intenses de l’été 1944.  Avec « Share The Word Project » j’ai vécu des nuits de combat en Palestine, et j’ai été dans un village totalement bombardé en Irak. Maintenant tout me paraît beaucoup plus réel. Quand je vois qu’une ville en Syrie ou en Ukraine vient d’être bombardée, je sais à quoi ça ressemble, je vois l’intérieur d’une maison éventrée, où des ours en peluches restés coincés dans les décombres, j’entends les balles qui fusent et les témoignages de gens qui ont perdu leurs proches. Alors évidemment je suis touché par ces mauvaises nouvelles. La seule chose qui me rassure avec le conflit en Ukraine, c’est qu’on en parle, on voit des images, et ça permet de mettre en place une solidarité. 

Quels sont tes futurs projets ?
Dans les prochains mois, j’ai des projets de fresques en France. Ce sont ces projets là justement qui me permettent de financer Share The Word Project, donc ils sont très importants ! Ensuite je partirai pour une nouvelle destination, mais je ne sais pas encore laquelle. Je ne prends pas contact avec les habitants des bidonvilles avant de m’y rendre, donc il n’y a pas grand-chose à organiser à l’avance. Le plus important c’est de choisir un lieu où le climat est bon pendant mon séjour car je peins en extérieur !

Propos recueillis par Carole Cailloux

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