[RAKATAKATAK] C’est le bruit de nos cœurs. Une dystopie qui pulse au rythme de l’amour au Théâtre de la Croix-Rousse

En début d’année, le Théâtre de la Croix-Rousse accueille une création qui frappe droit au plexus. Avec [Rakatakatak] C’est le bruit de nos cœurs, Logan De Carvalho – artiste complice du TXR – déploie une fresque futuriste où l’intime et le politique s’entrechoquent, où les armes en plastique côtoient les utopies affectives, et où l’amour devient un dernier rempart contre l’effondrement

Nous sommes projetés en 2087, quelque part entre marais-cages et cités retranchées. Le monde s’est durci, les inégalités ont creusé des abîmes, et les « villes-dômes » monopolisent les ressources pendant que la périphérie, rebaptisée « la zone », cherche tant bien que mal à se réinventer. 

C’est là que vivent Driss et Trac, deux cœurs vibrants qui expérimentent une façon d’aimer affranchie des cadres traditionnels. Une relation mouvante, plurielle, éloignée des impératifs patriarcaux. Leur quotidien bascule lorsque la tension monte entre la zone et les dômes, transformant un week-end Interzone en poudrière.

Au fil de l’histoire, d’autres trajectoires s’entrelacent : Kamo, ancien prolétaire élevé dans l’hypervirilisme, débarque sur la Neuze pour en découdre avant de croiser un amour qui l’oblige à renoncer à de vieux réflexes ; Eli, transfuge des dômes, fuit un système oppressant mais vacille face à la liberté chaotique de la zone. Chacun cherche une autre manière d’habiter le monde, de tisser des liens, d’aimer sans se perdre.

Avec une langue qui mêle verlan, souffle poétique et éclats d’anticipation, la compagnie Les Grands Écarts compose une partition vibrante, portée par quatre interprètes qui font jaillir l’univers futuriste à la seule force du jeu. On y avance sur les barricades comme dans les failles du cœur, avec la même intensité. On rit, on vacille, on s’interroge : comment aimer quand tout brûle autour ? Comment injecter de l’éthique dans nos relations ? Que faut-il désapprendre pour se reconstruire ?

Cette œuvre, publiée aux éditions L’Espace d’un instant, s’impose comme une fable d’anticipation pleine d’élan, où l’on joue à la guerre pour mieux explorer nos vulnérabilités. Logan De Carvalho, auteur et metteur en scène né en 1985, continue de creuser ce sillon sensible déjà aperçu dans Moitié Voyageur, dont il a tiré le roman Ma sœur est une Gitane. Récompensé par le prix Incandescences en 2023, il confirme ici un théâtre de tremblement, à hauteur d’humanité.

Dans [Rakatakatak] C’est le bruit de nos cœurs, les batailles se gagnent peut-être moins par les armes que par les sentiments. Et dans ce futur cabossé, la révolution passe d’abord par la capacité à s’aimer autrement.