Nora Hamzawi : vie en névrose, l’art du rire
Elle a fait de ses angoisses une matière première. Dans son troisième one-woman-show — qui n’a d’ailleurs pas encore de titre (« J’ai essayé de lui donner un nom et je n’ai pas trouvé », glisse-t-elle en riant) — Nora Hamzawi ouvre grand les portes de son quotidien et de son imaginaire anxieux.
Avec son humour piquant et son sens de l’autodérision, elle transforme ses obsessions et son rapport tourmenté au monde en un terrain de jeu hilarant. Sur scène, l’humoriste campe un personnage délicieusement parano et lucide. « Le personnage que j’incarne n’est pas super à l’aise, elle est bourrée de névroses. C’est comme ça que j’ai construit le spectacle, en décrivant l’état dans lequel je suis », confie-t-elle. Résultat : un texte à l’écriture affûtée, drôle et terriblement intelligent. À la question fatidique « le verre à moitié plein ou à moitié vide ? », elle répond sans détour : « À moitié vide, malheureusement. J’essaie d’être plus positive, plus optimiste et moins dure avec moi-même mais quand on est un peu parano comme moi, on peut se rendre triste de situations qui n’existent même pas. » Une confession qui résume bien l’esprit de son nouveau spectacle : une introspection désarmante mais tellement drôle.
Nora Hamzawi revendique ses contradictions et en joue. « C’est vrai que la mauvaise foi est un ressort du spectacle. Mais mon personnage se remet en question, elle est mal dans sa peau. Disons que, comme beaucoup de monde, elle est de mauvaise foi quand ça l’arrange. » En couple, c’est pareil : elle préfère tout gérer plutôt que d’entendre la pire phrase du monde — « comme tu veux ! ». À l’approche de la quarantaine, elle nous parle de son nouveau rapport au sommeil (« Le kiff de se coucher tôt »), petits cris dans son lit, obsession pour la densité de la peau, complexes et crèmes de nuit. Tout est matière à rire et à se moquer d’elle-même.
Dans la vraie vie, Nora Hamzawi n’aime pas le sport… mais elle en fait quand même, coach à l’appui. Elle rit de son plaisir coupable, les burger-frites, qu’elle s’accorde tout en culpabilisant après une séance. Mais je me dis que le sport annule le burger et inversement. » Entre squats sous contrainte et cornets de frites décomplexés, elle cultive un art très personnel du yo-yo entre discipline et craquage. « J’ai un vrai problème de “control freak”. J’aimerais franchir cette ligne imaginaire, me laisser aller mais je n’y arrive pas »
Et pour se consoler, elle a sa madeleine de Proust, version VHS. « La Boum ! Je le regarde presque une fois par mois. Pourtant, je n’aime pas la nostalgie, mais j’adore le Paris de cette époque : le bus, le téléphone à cadran, les sonneries d’école. Oui, j’ai une petite obsession pour La Boum. » Son remède à l’anxiété reste la scène. « Inutile de faire monter la pression : on y va et puis c’est tout. De toute façon, je stresse avant, je stresse après. Une fois sur scène, je me détends au bout de deux minutes. »
Nora Hamzawi sera en tournée dans toute la France, avec un passage à la Gare du Midi à Biarritz le 13 novembre 2025, à Annecy le 21 novembre 2025, à Thônes (complet) le 6 décembre 2025 et à la Bourse du Travail à Lyon le 11 janvier 2026.
RENCONTRE
La reine de la mauvaise foi, c’est vous ?
C’est vrai que la mauvaise foi est un ressort du spectacle. Mais mon personnage se remet en question, elle est mal dans sa peau. Disons que, comme beaucoup de monde, elle est de mauvaise foi quand ça l’arrange.
Vous voyez le verre à moitié plein ou à moitié vide ?
À moitié vide, malheureusement. Essayer d’être plus positive, plus optimiste et moins dure avec moi-même. Plus confiante, plus sereine. Quand on est un peu parano comme moi, qu’on voit le verre à moitié vide, on peut se rendre triste de situations qui n’existent même pas.
Les week-ends entre potes, c’est vraiment l’enfer ?
Même pas. Sauf quand on en arrive aux questions de logistique et aux mouvements de groupe. Sinon, c’est super. Je pars toujours avec la même bande de potes. Maintenant qu’ils me connaissent bien, ils savent qu’il ne faut pas, dès le matin, commencer à prendre l’avis de tout le monde pour décider de ce qu’on va faire la journée.
À ce propos, qu’est-ce qui peut vous mettre en rogne dès le matin ?
Quelqu’un de mauvaise humeur. Quelqu’un à qui on dit bonjour, à qui on parle et qui ne répond pas ou qui vous répond du bout des lèvres. Ça ne coûte rien de faire un sourire, d’échanger même si on n’a pas encore bu son café ou fumé sa clope.
Le sport, vous avez déjà essayé ?
J’ai horreur du sport et j’en parle beaucoup. Pour de vrai, j’en fais. Peu, mais j’en fais quand même avec un coach à domicile. J’ai tout essayé avant : les salles, les cours collectifs, les appareils de muscu… Rien à faire, je n’aime pas ça. Quand le coach est là, je suis obligée de me bouger.
Racontez-nous un plaisir coupable…
Manger un gros burger avec des frites. Après je m’en veux, je me sens mal, je sais que ce n’est pas bon pour la santé. Surtout quand ça arrive après une journée de sport. Mais du coup, ça s’équilibre. Je me dis que le sport annule le burger et inversement.
La fille imaginaire de votre spectacle, qu’a-t-elle de plus - ou de moins - que vous ?
Elle voit le verre à moitié plein. Elle a beaucoup de volonté. Elle est légère et spontanée. Elle s’écoute et se regarde moins que moi. Elle est du genre à prendre des selfies et à avoir une bonne tête, quelle que soit sa pose. Elle fait du sport et elle aime ça.
Avant un spectacle vous arrivez toujours à la dernière minute pour éviter de stresser ?
Oui. Inutile de faire monter la pression : on y va et puis c’est tout. De toute façon, je stresse avant, je stresse après. Une fois sur scène, je me détends au bout de deux ou trois minutes. En même temps, j’en joue. Le personnage que j’incarne n’est pas super à l’aise, elle est bourrée de névroses. C’est comme ça que j’ai construit le spectacle, en décrivant l’état dans lequel je suis.
Quel film regardez-vous en cachette ?
La Boum ! Mais maintenant, je ne m’en cache même plus parce que je le regarde presque une fois par mois. Pourtant, je n’aime pas la nostalgie, je ne me penche pas sur le passé en disant que c’était mieux avant. Mais j’adore le Paris de cette époque : le bus, le téléphone à cadran, les sonneries d’école. Oui, j’ai une petite obsession pour la Boum.
Au ski, vous êtes plutôt pistes noires ou nuits blanches ?
J’aime beaucoup aller à la neige et regarder tomber les flocons mais en restant à l’intérieur. L’année dernière je suis allée à Flaine et j’ai un peu skié, tranquille, sur piste bleue. Ado, je suis aussi allée au ski mais je me souviens qu’il fallait se lever très tôt – alors qu’on était en vacances - pour être les premiers à dévaler les pentes. On devait porter du matos qui pèse une tonne et soi-disant en profiter toute la journée. Moi, je préfère passer plus de temps dans un restau d’altitude que sur les pistes.
Le plus difficile pour vous, c’est de « lâcher prise » ou de vous contrôler ?
De lâcher prise, sans hésiter ! J’ai un vrai problème de « control freak » comme on dit. J’aimerais franchir cette ligne imaginaire, me laisser aller mais je ne sais pas comment faire. Je crois qu’il faut avoir confiance. Accepter qu’il y ait une part d’inconnu, qu’on ne peut pas savoir à l’avance si une salle sera pleine ou pas, accepter qu’il y ait des gens qui ne vous aiment pas. Et arrêter de taper son nom sur Google !
Propos recueillis par Nathalie Truche

