« Le dessin pour ne pas disparaître » tel est le crédo d’Alfred depuis sa plus tendre enfance. Dans Les Jardins invisibles, la magie de l’ordinaire, la douce banalité du quotidien d’Alfred sont la trame de ce recueil dans lequel il explore en toute sincérité, les points de bascule, les multiples bifurcations de sa vie d’homme et d’artiste.
De tout temps, Alfred a dessiné. Ou presque. Dans des carnets, sur des sets de tables, rien ne semble arrêter cette frénésie, ce besoin impérieux de tout documenter : ses souvenirs d’enfance, les décors de théâtre de son père, de multiples pièces de puzzle qu’il assemble. Sauf une fois, en 2009 ou un blocage suivi d’un état dépressif d’une année environ, lui ôtent l’envie et la possibilité physique de dessiner. C’est à la faveur d’une partie de foot de rue à Naples qu’en observant les jeunes joueurs, le plaisir revient.
Des souvenirs de toutes les époques, de la plus tendre enfance à ces dernières années : c’est ce que la mémoire fertile et les pinceaux agiles de l’auteur vous proposent. Alfred, dont la sensibilité aigüe transperce les œuvres, enchaîne des éléments fugaces, fait des ricochets avec ses souvenirs.
La famille et l’Italie, deux thèmes chers à l’auteur qui y consacre une grande partie de son œuvre. L’essentiel de ces courts récits se déroule dans les rues de Venise, les jardins de Rome, le chaos de Naples ou encore sur les plages de Ligurie. Voyage dans le temps et l’espace en compagnie d’un artiste chaleureux et émouvant.
C’est un merveilleux voyage au cœur des sentiments que l’auteur entreprend. Balloté entre l’angoisse d’être perdu à Naples, la joie d’apprendre la grossesse de sa femme à Djibouti, la nostalgie immense de l’Italie et la peine infinie de quitter Venise pour revenir en France. Ses doutes et ses certitudes sont exposées au grand jour, faisant d’Alfred un être extrêmement touchant. J’ai adoré le découvrir émerveillé dans la nuit de Venise sous les flocons ou enthousiaste à l’idée de dormir dans un fauteuil dans un jardin de Rome. L’optimisme ne lui fait pas défaut et ses historiettes nous montrent une personne empathique et chaleureuse.
Une chaleur omniprésente dans ses illustrations, aux couleurs chaudes et aux traits épais et enveloppants. Tout y est souple et doux, tout concorde pour que l’on se sente chaudement accueilli et complice bercé par ces tons violets et ocres.
Alfred a été primé à Angoulême en 2014 pour sa BD Come Prima qui a gagné le prix du meilleur album en 2014. Dans cette BD qui prend la forme d’un road-movie, deux frères dont le père vient de décéder en Italie, retrouvent leur terre natale pour l’occasion. Des thèmes déjà chers à son cœur, que l’on retrouve avec joie dans Les Jardins invisibles.
À travers Naples, Rome ou Venise, laissez-vous prendre par la main par Alfred qui sera sans nulle doute, le meilleur des guides !
Gaëlle Coustier

