Avec Les derniers jours de l'apesanteur, Fabrice Caro poursuit l’exploration d’un domaine qu’il maîtrise parfaitement : l’absurde du quotidien, les petits et grands moments de l’existence, et surtout, les émois adolescents. Plus tendre et nostalgique que jamais, ce nouveau roman publié chez Gallimard transforme la dernière année de lycée d’un certain Daniel en miroir universel de nos propres souvenirs. Rires, mélancolie et douce absurdité garantis.
Chronique d'un âge suspendu
Daniel a 17 ans, une ex qu’il n’arrive pas à oublier, deux copains aussi paumés que lui, et des révisions du bac qui tiennent plus du rite d’angoisse collectif que des révisions. Dans ce roman sans chapitres, fluide comme un plan-séquence, Fabrice Caro esquisse la dernière ligne droite avant l’âge adulte comme une période flottante, entre gravité et légèreté, insouciance et fatalisme. Les références sont datées (Elsa, Le Cercle des poètes disparus, les vinyles, le Minitel), mais le sentiment, lui, est éternel. Qu’on ait passé le bac en 1989 ou en 2019, Les derniers jours de l'apesanteur nous emmène là où tout commence… et finit : au seuil du monde adulte. Il nous replonge dans nos années lycée où tout semble intense et définitif. L’âge des apparences, des promesses murmurées entre deux sonneries, des amitiés fusionnelles et des amours silencieux. Et puis, il y a les parents, trop inquiets, à l’affût derrière la porte, redoutant ce moment où l’enfance s’éloigne un peu trop vite.
Entre burlesque et boule à facettes
On connaissait Fabrice Caro pour ses BD loufoques (Zaï Zaï Zaï Zaï), ses romans désabusés (Le Discours), son humour ravageur. Ici, il conserve sa verve comique mais y insuffle une douceur nouvelle. Plus introspectif, plus mélancolique aussi, le récit se teinte d’une émotion subtile, notamment dans son dernier tiers, où chaque détail — soirée ratée, drague avortée, regard de travers — prend une dimension presque tragique. « Personne n'était jamais arrivé le matin en scandant : Dis donc, j'ai une de ces pêches moi pour ce bac ! Nous baignions tous dans un état de dépression larvée, naviguant entre ces deux eaux paradoxales qui constituait la meilleure période de notre vie en même temps que la pire. »
Un Fabcaro plus sentimental que jamais
Ce qui frappe ici, c’est sa capacité à convoquer le passé sans lourdeur, à faire rire sans forcer, à émouvoir sans pathos. Le roman fait remonter des souvenirs que chacun porte en soi : premier amour contrarié, promesses jamais tenues, rêves qu’on n’a jamais osé formuler. Et parfois, entre deux vannes bien senties, surgit une angoisse sourde : celle de quitter l’enfance pour de bon.
Un roman générationnel...et intemporel
Qu’on ait 50, 30 ou 18 ans, Les derniers jours de l'apesanteur résonne comme une chanson familière. Celle qu’on croyait oubliée mais qui revient, sans prévenir, avec ses refrains bancals, ses souvenirs flous, ses émotions intactes. C’est peut-être le roman le plus personnel de Fabrice Caro. Et sûrement l’un des plus universels. À lire pour rire, sourire, se souvenir et peut-être, pleurer un peu.