La saison 2025-2026 de La Cité Bleue promet d’être riche et audacieuse : concerts, opéras, récitals, spectacles de danse et créations originales se succèdent sous le signe de la transversalité culturelle et de l’émotion artistique. De l’hommage à Nina Simone à l’exploration mystique de la musique persane, en passant par le dialogue entre cinéma et musique, Leonardo Garcia Alarcón, directeur général et artistique de La Cité Bleue, dévoile une programmation qui joue avec le temps et les styles. Rencontre.

Pourquoi avoir choisi l’image du miroir comme fil conducteur de cette saison ?
Le miroir m’a toujours fasciné. Il est à la fois concret et mystérieux, intime et infini. En préparant cette saison, j’ai pensé à Borges, à ses univers en miroir, ses labyrinthes qui dialoguent avec le réel et l’imaginaire. C’est un peu ce que nous cherchons à faire ici : faire respirer ces « autres mondes » dans notre théâtre. Depuis un an et demi, nous avons construit la saison comme un grand jeu de reflets, où styles, voix et époques se rencontrent, se confrontent et parfois s’éclatent.
Que signifie pour vous cette idée de « miroir en éclats » ?
C’est une image typiquement baroque : une forme qui explose, qui échappe au contrôle. Le miroir en éclats, c’est l’émotion brute. C’est ce qui nous dépasse et nous bouscule. Dans cette saison, cela se traduit par une diversité assumée, parfois presque « violente », mais toujours féconde.
Comment ces miroirs se concrétisent-ils dans la programmation ?
Par la multiplicité des styles et des formats. On passe d’un opéra rare de Cavalli à une création pour enfants avec des dinosaures, d’un hommage à Sophia Loren à la danse brésilienne, en passant par la musique baroque et persane ou les récitals engagés. Chaque spectacle est un miroir dans lequel chacun peut se reconnaître ou découvrir l’autre.

Quels sont les temps forts de votre programmation ?
Ils sont nombreux, mais certains promettent d’être particulièrement marquants. Le 28 septembre 2025, nous avons présenté Pompeo Magno, un opéra rare de Cavalli, un compositeur que je défends depuis longtemps et qui mérite d’être redécouvert. Le 4 octobre, La Cité Bleue a vécu une journée exceptionnelle dédiée à Sophia Loren, avec une exposition photographique signée Gianfranco Lelj, des concerts autour des musiques de films et, en point d’orgue, la projection du chef-d’œuvre d’Ettore Scola Une journée particulière. Sophia Loren était elle-même présente aux côtés du photographe pour un moment intime et unique. Enfin, les 28 et 29 octobre, Sufi’s Saraband proposera un voyage mystique entre Orient et Occident : la poésie de Rûmî et de Forough Farrokhzad rencontrera la musique persane et baroque, portée par la danse soufie et les instruments traditionnels.
Le dialogue entre cultures et époques semble central. Qu’espérez-vous provoquer chez le spectateur ?
De l’ouverture, de l’émerveillement et une remise en question des certitudes. Quand un luthiste baroque joue avec un percussionniste iranien, ce n’est pas qu’un « mélange de styles », c’est un acte de paix, une manière de rappeler que l’harmonie est possible, même dans un monde troublé.
Vous parlez aussi d’un « miroir de l’aube » …
Ce sont ces moments suspendus, hors du temps.
Les concerts à 4h30 du matin, les 13 et 14 juin, appelés L’Heure bleue, inviteront le public à écouter la musique aux frontières du sommeil et de l’éveil. Une expérience totalement à part ! À découvrir absolument !
Et côté danse ?
La danse occupe une place essentielle dans cette saison, avec trois très beaux spectacles. Les 17 et 18 novembre, Mourad Merzouki présentera Boxe Boxe Brasil, une création où l’énergie de la boxe se mêle à la grâce d’un quatuor à cordes et aux rythmes de la danse brésilienne. Le 24 avril 2026, la CocoonDance Company proposera Choreia, un « polyballet » qui fusionne danse, chant choral et parole dans une forme chorégraphique inédite. Enfin, le 17 juin 2026, Pierre Rigal signera R.ONDE.S, une véritable transe collective où la ronde se transforme en rituel, en grande fête !

Des récitals à ne pas manquer ?
Le 26 novembre, le claveciniste Jean Rondeau revisitera l’œuvre de Louis Couperin avec toute sa fougue et sa virtuosité. Le 21 mars 2026, Cédric Pescia interprétera les Suites françaises de Bach, dans un programme tout en équilibre et en profondeur. Le 5 juin, le charismatique contre-ténor Jakub Józef Orliński se produira lors d’un concert caritatif en soutien à l’association Innocence en Danger Suisse, dédiée à la protection de l’enfance. Enfin, le 15 novembre, Mariana Flores donnera vie à Alfonsina, un récital vibrant qui rend hommage aux femmes d’Amérique latine.
Nous avons construit la saison comme un grand jeu de reflets
Quelle place accordez-vous au jeune public ?
Elle est centrale, absolument. Les Dinos et l’Arche, par exemple, a été pensé d’abord pour les enfants – avec humour, costumes et poésie – mais il parle aussi aux adultes. L’enfance est un miroir fondateur, un miroir de vérité, de curiosité, de liberté. Elle est au cœur même de notre projet artistique. Et puis, il y a aussi la volonté d’ouverture vers un jeune public adulte : étudiants, jeunes professionnels, spectateurs en devenir. La Cité Bleue est située au sein de la Cité universitaire de Genève – nos murs sont littéralement sous les fenêtres des logements étudiants !
Quel fil rouge aimeriez-vous que les spectateurs retiennent ?
Surprendre, rassembler, questionner. Chaque spectacle se veut un miroir inattendu : reflet du monde mais aussi passage vers d’autres univers. La saison se lit comme un voyage collectif, un périple émotionnel, porté par une salle entièrement modernisée et dotée d’un nouveau système électro-acoustique.
Parlez-nous justement de cette acoustique.
La rénovation, entamée en janvier 2022, a apporté de véritables innovations. La fosse d’orchestre, mobile et motorisée – un atout rare pour une salle de cette taille – permet d’adapter l’espace aux besoins des artistes. La grande nouveauté reste le système électro-acoustique Constellation, développé par une entreprise américaine. En un simple clic, l’acoustique passe d’un son très sec à celui d’une église ou d’une cathédrale, avec une résonance étonnamment naturelle, c’est « bluffant » ! et unique en Suisse et en Europe.
Propos recueillis par Carole Cailloux