Publié le 15 octobre 2014
Frederic Polier

Frederic Polier

Le Grütli, un laboratoire explosif
Culture
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Interview

Un physique rabelaisien, une verve shakespearienne, Frédéric Polier est une personnalité singulière. Rencontre avec le metteur en scène, comédien et directeur du Théâtre du Grütli à Genève.

Dans un dictionnaire imaginaire de la culture, quelle définition donneriez-vous au Grütli ?
Ouvert, hétéroclite, perfectionniste. Un lieu qui accueille les publics quasiment toute l’année, qui brasse tout le temps.

Quel vent y avez-vous insufflé depuis deux ans ?
Un vent de liberté créatrice assez engagée et qui, justement, ne va pas systématiquement dans le sens du vent. On avance à coup de projets qui ne viennent pas forcément de la même chapelle. C’est un vent contrasté avec des projets très différents qui se déploient, se confrontent les uns aux autres, se rencontrent. En tout cas, ce n’est pas isolationniste.
Une programmation reflète-t-elle son programmateur ?
J’ai défendu des choses qui ne me correspondaient pas forcément au niveau du goût théâtral ou esthétique. Mais je les ai défendues parce qu’elles se distinguaient par leur engagement ou leur originalité. Je ne m’occupe pas nécessairement de plaire au public. En revanche, je cherche à ne pas l’ennuyer sous un prétexte idéologique ou théorique. Il faut que ça remue d’une manière ou d’une autre. Mon rôle consiste, en quelque sorte, à bien préparer le laboratoire, pour que des choses se passent sur scène, que les explosifs fonctionnent.
Vous avez déclaré vouloir « déghettoiser » le Grütli…
Oui, faire en sorte qu’il se ne soit pas ciblé sur une seule façon de faire du théâtre. C’est un gag - car je ne l’ai pas fait – mais il faudrait qu’on puisse passer de Feydeau à Heiner Müller avec la même vitalité. Il faut mettre le public en phase, qu’il nous fasse confiance, qu’il sache que quelque chose va se passer, que le spectacle sera de qualité. Que cela soit dans la relecture d’un classique ou une création d’auteur.
Comment jonglez-vous entre le populaire et l’élitiste ?
On va dire qu’on essaie de faire du populaire élitiste et de l’élitisme populaire. Mais pas de gros populaire populiste ! Nous avons beaucoup de créations d’auteurs contemporains qui peuvent parfois sembler assez extrémistes et un peu déstabilisantes. Pour moi, c’est comme au restaurant, on n’y va pas que pour manger du dessert. On veut aussi des entrées. Voilà, il faut une sorte de… complétude.
Comment se mesure le succès d’une saison ?
Comme on dit, il y a des spectacles à consommer et des spectacles à emporter. Pour moi, le plus important est qu’un spectacle reste dans les esprits pendant quelques années. Mais s’il y a des choses que l’on n’a pas aimées, on ne peut pas dire qu’elles étaient mal faites.
Oublions toute notion de budget, quel spectacle rêveriez-vous de mettre en scène ?
Pour dire une bêtise, je dirai La tétralogie de Wagner, au théâtre. Ou l’intégrale des pièces historiques de Shakespeare. Ou encore Le soulier de satin de Claudel. Ou des adaptations de romans. J’ai toujours aimé les longues épopées. En ce moment, je m’attaque à l’Heptalogie de Spregelburd, un auteur argentin très atypique et original. Je crée une deuxième pièce de lui, ce qui n’est pas une mince affaire !  Spregelburd a écrit d’autres sagas théâtrales dont Bizarra qui dure 24 heures. C’est celle-ci que je mettrais en scène si j’avais le temps et les moyens.
De tous les personnages que vous avez joués, lequel vous a le plus marqué ?
J’ai eu beaucoup de plaisir à jouer Cyrano. C’est extrêmement jouissif au niveau de l’efficacité de la pièce. Il faut dire que c’est succulent du début à la fin, on n’a besoin de se battre contre rien, c’est du pur bonheur. J’ai aussi beaucoup aimé interpréter Pantagruel et Gargantua de Rabelais. Ce doit être une question de poids ! Dans la tête des gens, ce sont des géants qui mangent beaucoup et disent des gros mots, mais c’est aussi extrêmement délicat et moderne. Jaurès a aussi été un personnage très attachant, de ceux qui transcendent le théâtre et qu’on va trainer avec soi pendant un moment.
Un coup de cœur pour clore l’année ?
On va finir l’année de façon flamboyante avec une distribution assez jeune, dont moi (rires), dans Comme il vous plaira de Shakespeare. Mais tous les autres spectacles sont des coups de cœur. Comme la plupart n’ont jamais été faits, ils sont en devenir. On peut avoir des surprises. Le spectacle dont on imagine avoir le moins de retour est celui qui va le mieux se déployer. Et inversement, celui dont on attend beaucoup peut nous laisser sur notre faim. C’est très paradoxal. C’est le propre du théâtre.

Propos recueillis par Nathalie Truche

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