Il aurait pu se contenter d’être le phénomène ciné de ces dernières années, entre performances habitées, charisme débraillé et gouaille reconnaissable entre mille. Mais Raphaël Quenard a cette manie - qu’ont parfois les artistes - de sortir du cadre. Le voici romancier. Et avec Clamser à Tataouine, paru chez Flammarion, l’acteur signe un premier livre aussi singulier que dérangeant, où l’humour noir sert de fil rouge à une plongée dans les abysses d’un esprit malade.
UN ROAD-TRIP MENTAL EN TERRITOIRE SOCIOPATHE
Son personnage ? Un marginal déphasé, à la fois looser magnifique et sociopathe candide, qui, après une tentative de suicide ratée, décide de punir la société à sa manière : en tuant des femmes, symboles, selon lui, de toutes les strates sociales. Sombre ? Évidemment. Glaçant ? Aussi. Mais ce qui frappe surtout, c’est la manière. Le style. Raphaël Quenard manie les mots comme il manie les regards caméra : sans filtre, sans détour, avec une verve incisive et jubilatoire.
PORTRAIT D’UN MONSTRE... OU D’UN MIROIR ?
À travers cette voix intérieure qui évoque autant les confessions d’un tueur que les pamphlets d’un révolté, Clamser à Tataouine interroge nos propres zones d’ombre. Le protagoniste - jamais héroïque, toujours dérangeant - devient un révélateur de nos failles collectives, tout en se livrant à un inventaire féroce et absurde de la comédie sociale.
UNE LITTÉRATURE HABITÉE, ENTRE BURLESQUE ET BRUTALITÉ
Ce n’est pas un roman policier. Ce n’est pas un thriller. Ce n’est pas non plus une autofiction. C’est un ovni littéraire, un monologue de l’excès, où les mots sont tordus, mordus, arrachés à la norme pour mieux faire surgir l’humanité là où on ne l’attend pas. Entre digressions absurdes et éclairs de lucidité crue, Quenard signe un texte où l’on rit jaune, souvent, et où l’on s’interroge, toujours.
UN PREMIER ROMAN COUP DE POING (OU SCALPEL)
Ceux qui connaissent l’acteur retrouveront sa signature : l’irrévérence, l’audace, le refus de la tiédeur. Ceux qui le découvrent en écrivain seront peut-être déconcertés, mais rarement indifférents. Clamser à Tataouine, c’est la littérature comme terrain d’exploration de toutes les transgressions, un cri grinçant qui traverse les pages sans jamais chercher à plaire.
Une chose est sûre : ce « Tataouine » imaginaire, où le grotesque flirte avec la tragédie, mérite le détour. À condition d’avoir le cœur bien accroché... et l’esprit ouvert.